1er au 5 décembre
Alors que le gouvernement relance une large concertation sur le travail et les retraites, une série de livres récents reviennent sur les choix français, plus ou moins explicites, portant sur le travail : combien de temps, pour quelle rémunération, avec quelles protections ? Faute d’un diagnostic suffisamment partagé, la sédimentation de réformes contradictoires conduit à la fois à une insatisfaction au travail et aux déséquilibres de notre système social (mal) financé par les cotisations sur le travail.
Le 5 décembre, le ministre du Travail et des Solidarités, Jean-Pierre Farandou, en présence de David Amiel, ministre délégué à la Fonction publique et à la Réforme de l’État, a lancé une nouvelle conférence sur le travail et les retraites. Les partenaires sociaux sont invités à débattre de la qualité de vie au travail et des parcours professionnels en même temps que des retraites. L’idée de relancer un débat national de grande ampleur témoigne à la fois de la centralité de l’expérience du travail pour les actifs et de l’importance des enjeux économiques plus larges : compétitivité du site France, soutenabilité des finances publiques, inquiétudes sur le niveau de vie futur. Mais le diagnostic sur les défis du travail reste loin d’être partagé, comme en témoigne le débat présenté dans La Grande Conversation entre Bruno Palier et Bertrand Martinot.
Co-auteur du livre Le Travail est la solution, Bertrand Martinot avance une série de propositions portant sur les rémunérations, le temps de travail, la pénibilité et les retraites. En réponse, Bruno Palier, co-auteur de Travailler mieux, plaide pour que la qualité du travail devienne la priorité. La focalisation des dernières décennies sur la lutte contre le chômage puis sur les coûts salariaux a marginalisé un débat essentiel sur la vie au travail. Ses propositions visent donc à améliorer les conditions de travail et à renforcer la démocratie et le dialogue dans les entreprises. Une stratégie centrée sur la qualité serait selon lui favorable à la fois au bien-être des salariés et à une montée en gamme du « made in France ».
Dans un tout autre registre, mais sur un terrain voisin, Warren Buffett s’inquiétait récemment, dans sa dernière communication publique, de la course malsaine aux très hauts salaires dans les entreprises multinationales. L’économiste François Meunier s’interroge à son tour sur la « prime à la cupidité » versée, en dehors de toute rationalité économique, par les actionnaires des grandes firmes. Les rémunérations mirobolantes offertes aux PDG témoignent d’un esprit mercenaire — et contribuent à l’entretenir. Elles ne reflètent ni les compétences réelles ni l’engagement personnel d’un dirigeant dont la première négociation porte souvent sur la prime de départ.
La mauvaise passe budgétaire actuelle, directement liée aux choix collectifs concernant le niveau des retraites autant que les allègements de charges pour les entreprises, complique encore le débat parlementaire en cours. Les tourments du Premier ministre en apportent la preuve quotidienne : pour faire voter une loi, surtout un budget, il faut une majorité. Ce simple rappel montre que, quoi qu’on en dise, nous sommes bien dans un régime parlementaire puisque le gouvernement est responsable devant le Parlement. Professeur de droit constitutionnel, Denis Baranger, qui vient de publier avec Olivier Beaud La Dissolution de la Ve République, éclaire la situation institutionnelle inédite issue de la dissolution « à froid » décidée par le Président de la République. Celle-ci révèle de nouveaux rapports de force entre le Palais-Bourbon, Matignon et l’Élysée. Le malheur est que les acteurs continuent à pratiquer une Ve République présidentialiste alors même que le désalignement des majorités redonne au Parlement un rôle central.
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Le débat sur le travail porte trop souvent sur l’emploi et les cotisations et pas assez sur la qualité du travail. Or, la difficulté principale de la France est le choix qui a été fait d’une stratégie low cost dans une économie positionnée dans des produits de moyenne gamme. Pour renverser cette tendance qui conduit à une dégradation des conditions de travail, il faut améliorer la vie et la démocratie au travail, avec une stratégie de montée en gamme qui permettrait de sortir la France de l’ornière.
Dans "La Dissolution de la Ve République" (Les Petits Matins, 2025), les deux professeurs de droit public et animateurs de la revue en ligne Jus Politicum, Olivier Beaud et Denis Baranger, analysent les effets de la décision prise par Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale au soir du 9 juin 2024. La crise dans laquelle cette expérimentation hasardeuse a plongé le pays invite à réfléchir sur nos institutions et la manière dont elles sont comprises par les politiques. L’instabilité actuelle traduit une désorientation des acteurs politiques et une méconnaissance de la nature parlementaire de la Ve République.
Une imposition alourdie des plus hauts revenus peut se justifier pour des raisons budgétaires, en termes d’équité fiscale. Elle peut aussi être défendue pour contrer le mouvement, en pleine accélération, vers des rémunérations stratosphériques de quelques partons star. Que dit cette démesure de notre système économique et du rôle des dirigeants dans les multinationales ?
Vive le périurbain ! Pour des campagnes urbaines au cœur des transitions territorialesPar Jean-Marc Offner Les Français aiment opposer la ville à la campagne, comme si le territoire national pouvait être découpé selon cette géographie binaire. C’est pourquoi les espaces de transition et d’interface entre villes et campagnes, appelés périurbains, restent trop peu visibles dans les politiques publiques. Au regard des enjeux économiques, sociaux et environnementaux, il est désormais temps de les reconnaitre comme les lieux stratégiques du changement. |
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