26 au 30 mai
Les parlementaires ont su démontrer cette semaine qu’ils pouvaient donner une autre image que celui des invectives, des manœuvres et de l’obstruction. Le vote, très attendu, du texte sur la fin de vie, laissant en outre les députés indépendants des consignes de groupe, montre que l’Assemblée nationale n’est pas paralysée, malgré l’absence de majorité. Le Sénat saura-t-il poursuivre dans cette voie, alors que le Président a évoqué le recours au référendum en cas d’impasse parlementaire ?
Obtenu à une large majorité (305 voix pour, 199 voix contre), le vote de la loi sur la fin de vie à l’Assemblée nationale marque une étape importante vers la reconnaissance d’une aide à mourir. Le texte, longuement discuté et enrichi par le débat parlementaire, doit désormais passer au Sénat. Depuis les travaux de la convention citoyenne sur la fin de vie, La Grande Conversation a suivi les débats entourant ce texte et donné la parole à des juristes, des médecins, des philosophes, des citoyens et responsables politiques, y compris le rapporteur du texte, Olivier Falorni.
Avec le vote de la loi, qui en stabilise le texte, on sait désormais comment sont définies les situations qui seront exclues du droit à bénéficier de l’aide à mourir. Le législateur, sans doute pour répondre aux craintes de « dérives » ou de « loi permissive », a établi un périmètre restrictif. François Blot dresse la liste des profils dont les demandes seront rejetées. La prudence s’imposait sans doute pour tenir compte d’un Sénat qu’on sait réservé sur le sujet. Mais, même s’il faut considérer les progrès permis par ce texte, on est loin d’une grande loi de solidarité avec des patients placés dans une situation de souffrance insupportable.
Le débat se poursuit sur la réforme de notre système de retraite. Après l’abandon du projet d’un système par points au cours du premier mandat d’Emmanuel Macron, la dernière réforme ne garantit pas un équilibre du système, fragilisé par les perspectives démographiques dégradées. C’est pourquoi resurgit l’idée de passage à un système par capitalisation. Si l’on peut convenir que celui-ci présente des avantages, on voit cependant mal comment gérer la période de transition d’un système à l’autre. C’est l’objet du débat lucide et argumenté de deux spécialistes du sujet, Eric Weil et Bertrand Martinot. Si un chemin de réforme paraît praticable à ce dernier, Eric Weil rappelle que le contexte budgétaire particulièrement tendu complique l’équation au point de la rendre peu crédible.
La situation budgétaire est aussi particulièrement tendue pour l’assurance maladie. Pour Terra Nova, le directeur de l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP), Nicolas Revel, rappelle les impasses d’une démarche purement comptable et d’économies au jour le jour. Un autre modèle est à inventer. Une stratégie viable ne peut faire l’impasse sur la qualité des soins et l’attractivité des métiers. Une nouvelle organisation du suivi des pathologies chroniques est également centrale pour la maîtrise des dépenses de santé.
L’Assemblée nationale s’apprête à voter, ce mardi, la proposition de loi créant un droit à l’aide à mourir, après une semaine de débats apaisés, rapporte Le Monde. Aucun incident majeur n’a perturbé les quelque 90 heures d’échanges. Porté par le député Olivier Falorni, le texte a été fortement amendé pour renforcer les restrictions d’accès à l’aide à mourir, notamment avec un délai de réflexion de 48 heures et une procédure collégiale impliquant médecins et soignants. Un amendement de la ministre Catherine Vautrin précise la notion d’"affection grave et incurable" en phase avancée. Des opposants (LR, RN, UDR) ont toutefois critiqué un texte qu’ils jugent trop permissif, craignant des "abus de faiblesse". Le Sénat examinera le texte à l’automne. Gérard Larcher, son président (LR), reste "réservé", mais n’exclut pas un vote final d’ici à 2027. En parallèle, le président de la République évoque la possibilité d’un référendum sur ce sujet en cas de blocage.
Il est salutaire de faire vivre le débat sur les grandes réformes que le pays devra engager au cours des prochaines années. À cet égard, la discussion que Bertrand Martinot et Eric Weil ont entamée sur l’introduction d’une dose de retraite par capitalisation dans notre système de retraite fait œuvre utile. A travers ce débat, chaque citoyen peut appréhender les principaux enjeux liés à cette question et se forger sa propre opinion. L’échange se poursuit ici dans cet esprit de conversation lucide et informée.
Alors que l’on célèbre cette année les 80 ans de la Sécurité sociale, les inquiétudes sur la soutenabilité de notre système de soins se multiplient. Le déficit de la branche maladie atteint un niveau record hors crise sanitaire, alors qu’un mur démographique et épidémiologique se profile à l’horizon. Les solutions purement comptables et les facilités de court terme ne permettront ni de résoudre l’équation financière ni de relever les défis qui se présentent. Un autre modèle est à inventer. Selon Nicolas Revel, il doit se construire autour d’une nouvelle organisation du suivi des pathologies chroniques et faire le pari de la qualité des soins comme vecteur essentiel d’attractivité pour les soignants et de maîtrise des dépenses de santé.
La place de la science dans le débat public cristallise aujourd’hui de fortes tensions. Face à la montée des populismes et de la désinformation, il faut renouer avec un dialogue, transparent, confiant et constructif entre chercheurs, citoyens et décideurs, et revaloriser la culture scientifique dans la société. Comment, sans confusion des rôles ni dilution des responsabilités, faire dialoguer plus étroitement sciences et politiques publiques ? Comment permettre aux scientifiques de contribuer pleinement au débat démocratique, dans un cadre ouvert et partagé ?
La Ville de Nancy et Terra Nova s’associent à nouveau pour organiser la deuxième édition du forum « Place(s) de la démocratie » : les 5, 6 et 7 juin, des rencontres, des débats et des ateliers d’expérimentation inviteront le public à explorer concrètement les conditions d’une décision politique éclairée par les savoirs.
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