De Paris à Belém - La Lettre de La Grande Conversation de Terra Nova

3 au 7 novembre

L’ÉDITO

De Paris à Belém

La COP 30 sur le climat s’est ouverte cette semaine au Brésil. A cette occasion, le pays hôte va pouvoir montrer son engagement à préserver la dynamique des accords de Paris, dont on fête aussi les 10 ans. En accueillant la COP, le Brésil montre qu’il ne se laisse pas emporter, comme son voisin argentin, par la vague trumpiste. La capacité des institutions brésiliennes à résister à la tentative de coup d’Etat de Jair Bolsonaro s’illustre en outre par le procès de l’ancien président qui répond désormais de ses actes devant la justice.

La nouvelle COP conduit aussi à faire le point sur la coopération internationale, alors que la rivalité sino-américaine domine désormais l’agenda mondial. Sur le climat, les Européens défendent une coopération globale, dont les Américains ne veulent plus. Championne d’un ordre fondé sur des règles, l’Europe ne peut se ranger sans réserve ni du côté de la Chine, ni de celui de l’Amérique de Trump. Mais dans un monde de plus en plus multipolaire, elle dispose d’une influence suffisante pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre, remarquent Jean Pisani-Ferry et Béatrice Weder di Mauro. Elle a intérêt à regarder du côté chinois, ce qui requiert d’identifier les obstacles à un rapprochement stratégique.

Pour réduire nos émissions de GES, la transformation de nos systèmes de chauffage est cruciale. C’est pourquoi le chantier de rénovation du système de chauffage urbain parisien, créé en 1927, est un défi stratégique pour la Ville de Paris. A travers l’appel d’offres en cours, la ville dispose d’une occasion unique d’accélérer sa transition énergétique, de renforcer sa souveraineté municipale et de promouvoir une plus grande justice sociale et territoriale.

La semaine dernière, à l’occasion de la niche parlementaire qui lui était réservée, le Rassemblement national a réussi à faire voter une résolution demandant la révision de l’accord de 1968 signé avec l’Algérie, qui fixe les conditions de séjour des Algériens en France. Cet accord, plusieurs fois révisé, est mal connu et constitue un sujet de tension récurrent entre Paris et Alger. Le vote majoritaire des députés témoigne bien sûr du niveau inédit de crispation sur les questions migratoires mais surtout de l’incompréhension des mécanismes d’arrivée en France et d’une méconnaissance des besoins du marché du travail français. La gestion actuelle par le ministère de l’Intérieur de la délivrance des permis de séjour fonctionne au détriment de l’emploi, des personnes en attente de régularisation et même des conditions de travail dans les préfectures. La difficulté d’obtenir un rendez-vous de renouvellement des papiers, organisée par un système de rendez-vous en ligne défaillant ou volontairement muet, pousse dans la précarité des personnes présentes en France de manière régulière. La condition de sans-papiers, ainsi, ne résulte désormais plus seulement des situations migratoires mais est créée dans certains cas par une surdité administrative délibérée.

Le sentiment de fracture de l’opinion concerne également une défiance vis-à-vis de la science et des paroles d’expert. Or, la contestation de la connaissance scientifique fragilise notre capacité à faire les bons choix collectifs, notamment dans le cadre parlementaire. Au cours des travaux parlementaires précédant le vote de la loi, la place de l’expertise scientifique n’est pas suffisamment établie. Ainsi, les textes d’origine parlementaire, appelés propositions de loi (PPL), ne relèvent pas des mêmes contraintes procédurales que les textes proposés par le gouvernement (projets de loi). En particulier, l’étude d’impact n’est pas obligatoire. Or, dans la nouvelle situation du Parlement, ces textes d’origine parlementaire sont plus nombreux. C’est pourquoi un rapport d’Evidences propose une série de pistes pour renforcer l’expertise scientifique du Parlement. Alors que les élus doivent se prononcer sur des sujets toujours plus complexes, les insuffisances institutionnelles de notre système parlementaire conduisent à des choix ignorant l’état actuel des connaissances, comme on l’a vu avec la loi Duplomb. Il faut tirer les enseignements de cet épisode et renforcer la place de la science dans l’écriture de la loi.

LES RAPPORTS DE LA SEMAINE

Santé mentale au travail : les entreprises françaises n’ont plus le choix de l’attentisme

par Martin Richer et David Mahé

L’enjeu de la santé mentale a été érigé par le gouvernement au rang de « grande cause nationale ». Il occupe les conversations et fait l’objet d’une couverture importante par les médias. Mais, à part quelques brillantes exceptions, il n’est pas entré dans la salle des Comex et des Conseils d’administration. Dans ce rapport, nous mettons en discussion les 7 raisons pour lesquelles cet enjeu doit devenir rapidement une urgence stratégique pour les organisations publiques et privées, une « grande cause nationale de l’entreprise ».

Le réseau de chaleur urbain parisien : levier de transition écologique et de justice sociale à Paris

par Anne-Claire Maho et Tony Renucci

Créé en 1927, le réseau de chaleur parisien, l’un des plus anciens de France, alimente aujourd’hui un bâtiment sur quatre dans la capitale. Né pour lutter contre la pollution du chauffage individuel, il est devenu un levier majeur de la transition énergétique. Son renouvellement et sa modernisation constituent un défi stratégique pour la Ville de Paris, qui, à travers l’appel d’offres en cours, dispose d’une occasion unique d’accélérer sa transition énergétique, de renforcer sa souveraineté municipale et de promouvoir une plus grande justice sociale et territoriale.

LES ARTICLES DE LA SEMAINE

#ChineEurope
Pour un pacte vert entre l’Europe et la Chine

Puissance économique et puissance régulatrice, l’Union européenne est aujourd’hui mise sur la touche par la rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis. L’imprévibilité du Président américain et son agressivité envers les Européens créent une situation où l’Europe ne peut pas simplement s’aligner sur les intérêts américains. Pour autant, l’affirmation d’intérêts convergents avec ceux de la Chine requiert des préalables importants.

#Immigration
Travailleurs et travailleuses étrangers en France : à quand une réforme des cartes de séjour qui soit enfin protectrice, pratique et réaliste ?

En août 2025, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a déclaré : « même s’ils ne représentent qu’environ 9% de la force de travail totale en 2022, les travailleurs étrangers ont contribué à la moitié de la croissance ces trois dernières années ». Des propos qui ont fait polémique, alors que les politiques migratoires de ces dix dernières années en France tendent plutôt à restreindre les droits de ces travailleurs. Des personnes que l’on est pourtant susceptibles de croiser au quotidien, sans le savoir, dans des cuisines de restaurants, sur des chantiers publics ou en train de nettoyer nos bureaux. Il est temps de parler correctement de leur réalité pour parvenir, enfin, à une politique migratoire digne et protectrice.

#Brésil
Le Brésil à contre-courant du monde

Cet automne, la condamnation à de la prison ferme de Jaïr Bolsonaro, l’accueil de la 30e COP sur le changement climatique et la défense du multilatéralisme dans le cadre des Nations Unies témoignent de la solidité des institutions démocratiques au Brésil. A contre-courant des tentations autoritaires et isolationnistes, le Brésil montre qu’on peut répondre aux urgences du moment sans recourir à des mesures d’exception.

La Grande Conversation est la revue intellectuelle et politique de Terra Nova
À travers des publications, des analyses, des articles, nous donnons la parole à la contradiction et à la diversité des points de vue sur les défis du moment.

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