22 au 26 septembre
Nommé Premier ministre le 9 septembre, Sébastien Lecornu n’a pas encore constitué son gouvernement. Depuis quinze jours, de nombreux commentaires politiques portent sur ce délai inhabituel mais l’essentiel n’est pas là. La démarche, cette fois-ci, répond à une exigence inévitable : chercher une majorité avant d’annoncer un projet. Encore lui faut-il trouver des partenaires politiques.
Le nouveau Premier ministre peine à trouver des volontaires pour monter une coalition parlementaire, indispensable pour faire voter un budget. La conjoncture budgétaire dégradée, l’impopularité du Président, l’espérance de vie limitée du prochain gouvernement incitent à la prudence. Mais, surtout, les partis ont en vue les prochaines élections municipales du printemps, et, déjà, les élections présidentielles de 2027. Personne ne veut prendre le risque d’affaiblir ses chances à cette élection déterminante en s’engageant dans une coalition imposée par les circonstances. Toutes les conditions du blocage sont donc réunies. C’est pourquoi les acteurs politiques, tant à l’Elysée qu’au Palais Bourbon, doivent changer de logique pour éviter une crise de régime.
La Ve République nous semblait destinée à fonctionner avec deux grandes forces politiques. Or, le pays est aujourd’hui partagé entre trois grandes tendances, ce qui produit un émiettement inédit des forces à l’Assemblée. Pourtant, les partis font comme s’ils pouvaient ignorer cette nouvelle réalité, patente depuis les élections législatives de 2022 et 2024, et retrouver demain une large majorité à l’Assemblée. Ce pari est pourtant largement improbable, chaque courant politique étant confronté, dans des circonstances diverses, à un plafond de verre électoral. En l’absence de logique majoritaire, c’est un nouvel apprentissage politique – celui de la conciliation et de la coalition – qu’il faut faire, bon gré, mal gré.
Les Etats-Unis nous donnent aujourd’hui le contre-modèle d’un système politique polarisé à l’excès, jusqu’à sombrer dans la violence. Cette polarisation ne date pas de l’irruption de Donald Trump dans la vie politique : celui-ci en est plutôt le produit que la cause. La longue habitude du redécoupage discrétionnaire des circonscriptions électorales en est un exemple. En fabriquant des ensembles électoraux homogènes, le « gerrymandering » contribue à favoriser la radicalisation politique. Ce qui ne présage rien de bon pour les prochaines élections de mi-mandat. Le meurtre de Charlie Kirk, dont les motivations ne sont pas encore pleinement éclaircies, quoi qu’en dise le Président américain, témoigne de la persistance d’une culture ancienne des armes et de la violence, enflammée dans la période récente par les réseaux sociaux et la désinformation. Mais, au lieu d’un moment de deuil partagé, même temporaire, comme on a pu en voir dans le passé, c’est à nouveau la confusion et la surenchère qui dominent les esprits outre-Atlantique.
Avant même qu’on connaisse les motivations du tueur de Charlie Kirk, Donald Trump a lourdement attribué la responsabilité de cet acte à la gauche radicale, ajoutant l’instrumentalisation à l’indignation sélective. Inscrite dans une trop longue liste d’assassinats politiques, cette nouvelle mort témoigne en tous cas d’une polarisation exacerbée « qui aboutit à la violence physique ». Anna López analyse l'événement comme le symptôme d'une «société où les adversaires politiques sont perçus comme des ennemis existentiels».
Combien de temps faudra-t-il attendre pour que nos élus acceptent la réalité arithmétique de l’assemblée et négocient un budget susceptible de déjouer une censure ? L’attentisme actuel qui prévaut, en raison des spéculations sur les prochaines échéances électorales, n’est pas à la hauteur de la situation.
La constitution d'un nouveau gouvernement appuyé sur une majorité de coalition au Parlement apparaît difficile. Les partis sont réticents à s'engager dans une coalition parce qu'ils spéculent sur les prochaines consultations électorales. Ils espèrent en particulier que la logique majoritaire qui a longtemps caractérisé notre régime s'imposera de nouveau lors de prochaines élections, surtout après la présidentielle. Pourtant, ce pari n'a rien d'évident. Au regard des derniers résultats, il semble bien difficile pour les principales forces politiques d'espérer réunir une majorité de sièges à l'Assemblée nationale.
Enquête sur la perception des rémunérations par les salariés du secteur privéPar Suzanne Gorge et Thierry Pech Comment les salariés du privé jugent-ils leur rémunération aujourd’hui ? Quels critères considèrent-ils comme légitimes pour en apprécier la justesse et l’équité ? Comment évaluent-ils l’équilibre — ou le déséquilibre — entre ce qu’ils apportent à l’entreprise et ce qu’ils en reçoivent ? Pour répondre à ces questions, l’Apec et Terra Nova ont interrogé 4 000 salariés du privé sur le montant de leur salaire, sa composition et son évolution. Leurs réponses révèlent une attente forte de lisibilité, de transparence et de reconnaissance. |
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