Et si la France était moins allergique à la réforme qu’incapable d’aller au bout de ses bonnes intuitions ? Des institutions sont mises en place, qui restent bloquées, faute d’impulsion politique, comme la Métropole du Grand Paris. Dans les politiques publiques, des initiatives comme les startups d’Etat ouvrent des possibles mais restent trop isolées et dépourvues de relais. Français, encore un effort pour passer le cap de la réforme…
Le prochain rendez-vous des urnes aura lieu en 2026 avec les élections municipales. Dans nos plus de 34 000 communes, on parlera de Marianne au village et l’on fera l’éloge des maires de proximité. Mais qui s’adressera au citoyen-électeur pour lui parler des nouvelles institutions intercommunales où se prennent les décisions importantes pour son territoire ? Qui défendra un projet politique fondé sur le dialogue entre élus de communes d’un même bassin de vie ? Les découpages administratifs locaux ne correspondent plus aux réalités du travail, des loisirs, des mobilités… C’est aussi vrai dans les métropoles dont les noyaux historiques ne sont plus les seuls centres de référence. Comment les élus peuvent-ils traiter les vrais sujets politiques s’ils n’agissent pas à la bonne échelle?
Depuis 2016, la Métropole du Grand Paris réunit 131 communes de la zone dense parisienne. Pourtant, qui sait ce que décident ces élus ? Les habitants de la région parisienne savent-ils qu’ils élisent des conseillers métropolitains lors des élections municipales ? Marion Waller plaide pour qu’en 2026, le débat politique parisien aborde directement ces sujets. Pour près de 11 millions de Grands Parisiens, le cadre de vie dépasse largement le périmètre de leur commune de résidence. C’est à cette échelle qu’il faut débattre de la pollution, de l’emploi, du logement, des inégalités… Dans le Grand Paris, il existe déjà du commun mais pas encore de projet commun. Les futurs candidats ne peuvent pas mener campagne en gardant le silence sur le lieu de dialogue politique le plus pertinent pour les Grands Parisiens.
De même que le Grand Paris existe en tant qu’institution mais n’a pas encore pris de véritable poids politique, on peut identifier des initiatives inabouties dans le domaine des politiques publiques. Des initiatives montrent qu’un autre modèle d’action publique est possible. Peut-on s’en inspirer pour renouveler l’action publique, changer d’échelle et généraliser ? On peut au moins imaginer, suggère Pierre Pezziardi, comment la réforme des retraites, la politique scolaire ou encore la lutte contre la consommation de cannabis pourraient s’appuyer sur les leçons à tirer des startups d’Etat. Des voies de passage se dessinent pour apprendre à faire autrement, redonner du sens au travail et mieux répondre aux attentes des usagers du service public.
LES ARTICLES DE LA SEMAINE
Le Grand Paris se situe à un moment charnière de son histoire. Alors que des gares du Grand Paris Express ouvrent dans la métropole et que la vie des citoyens est de plus en plus grand-parisienne dans les faits, les futurs candidats aux élections municipales se trouvent face à une responsabilité historique, celle de porter un projet commun pour le Grand Paris. En 2026, il ne pourra y avoir de programme sérieux sur le logement, la pollution de l’air, les inégalités, dans les villes du Grand Paris que s’il est métropolitain et partagé. Paris, en tant que ville-centre, aura une responsabilité toute particulière en la matière.
Débattre de l’organisation des services publics à partir de l’angle budgétaire est probablement le pire moyen d’entrer dans la question. Car l’amélioration des services publics ne dépend pas seulement du niveau de financement. C’est aussi d’une conception du changement, et de son adoption par les agents publics, que dépend la réussite de la modernisation de l’administration. Celle-ci ne cesse d’ailleurs d’évoluer, comme en témoigne la création des startups d’Etat. Peut-on tirer des leçons de cette expérience pour d’autres domaines d’intervention ?
La Grande Conversation est la revue intellectuelle et politique de Terra Nova
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